La Grèce : Laboratoire d'une Europe libérale

Publié le par Aux Actes Citoyens !

La Grèce : Laboratoire d'une Europe libérale

Depuis 2009, pour régler son problème de dette, la Grèce poursuit une politique d'austérité à tout prix. Après 9 plans imposés par l'Union Européenne, la Banque Centrale Européenne et le Fonds Monétaire International, où en est-t-elle ?

 

DONNÉES GÉNÉRALES

Population : 10 767 000 habitants (2012)

Dette Publique : 174 % du PIB (Richesse nationale totale produite en un an) en 2014.

 

TRAVAIL ET SALAIRES

Durée légale du travail : 8 h/jour, 48 h/semaine (6 jours sur 7) ;

Salaire brut minimum : 584 € (environ 500 € pour les jeunes).

Depuis 2010, les salaires ont baissé de près de 35 %, beaucoup ont été divisés par 2.

 

DÉRÉGULATION DU DROIT DU TRAVAIL

Depuis février 2012, les contrats collectifs d’entreprise sont prioritaires sur les accords collectifs nationaux (conditions imposées par la « Troïka* » pour consentir aux financements du plan de « sauvetage »).

Maintenant, le local commande le national. Chaque entreprise peut agir comme elle l'entend, en dehors de tout accord de branche. Comme en France, avec l'Accord National Interprofessionnel signé par la CFDT et le MEDEF et voté au Parlement en mars 2013.

 

Conséquences :

En 3 mois, plus de 33 000 contrats individuels, dans 7 800 entreprises, ont consacré des baisses de salaire de 22 à 28 % ;

171 conventions d’entreprise ont fait baisser les salaires de 22 à 40 %.

Il n’existe plus de garanties minimales car la concurrence entre entreprises se joue sur la dégringolade des salaires.

 

CHÔMAGE

Taux de chômage : 29 % en 2014.

Il était de 19,7 % en 2011, soit une augmentation de 47 %.

Taux de chômage des femmes : 30,4 % ;

Taux de chômage des hommes : 24,1 % ;

Taux de chômage des jeunes : 67 %.

 

FONCTION PUBLIQUE

La « Troïka »a exigé la diminution de 15 000 fonctionnaires en 2013, et le départ en « réserve » de 120 000 salariés de plus de 53 ans d’ici 2015. La réserve consiste à mettre à la retraite d'office les fonctionnaires ayant accompli 33 années de services : ils sont renvoyés chez eux et ne touchent plus que 60 % de leur salaire.

 

RETRAITES

Retraite moyenne avant les plans d’austérité : 700 €.

Les pensions de retraite ont baissé de 30 à 50 % depuis 2008.

L’âge légal de départ en retraite est passé de 65 à 67 ans.

 

NIVEAU DE VIE

40 % des Grecs n’ont plus de revenus disponibles une fois les besoins de base couverts.

Et une grande partie d’entre eux n’arrive plus à subvenir à ces besoins de base (853 000 font appel aux aides alimentaires caritatives [soupe populaire], soit près de 9 % de la population).

Le revenu des ménages a baissé de 15 % en 1 an (entre le deuxième semestre 2011 et le deuxième semestre 2012) (soit - 5,4 M€).

Les allocations sociales ont baissé de 9,5 %.

Les impôts sur les ménages ont augmenté de 37 % dans la même période.

Les écoles ne sont plus chauffées. Faute de personnel, « les jardins d'enfants [équivalent des écoles maternelles] sont devenus des parkings d'enfants ».

Une grande partie de la population se chauffe au bois – ne pouvant plus s’alimenter en fioul – voire ne se chauffe plus (conséquences : pollution aggravée, déforestation rapide et risques d’incendie dans des villes comme Athènes).

Une proportion de plus en plus importante d’enfants souffre de carences alimentaires.

La Grèce connaît la plus forte progression de suicides au Monde.

 

SANTÉ

Système de santé en faillite.

L’État ne fournit plus les médicaments aux hôpitaux. C'est « Médecins sans frontières » qui alimente les hôpitaux en vaccins, bandages et pansements.

Une taxe d’admission à l’hôpital de 25 € est demandée aux patients (pour une intervention, un examen ou une consultation). Tout comme une participation aux frais de santé de 10 % pour les médicaments directement liés aux traitements des maladies chroniques ou/et graves, et de 25 % pour les médicaments indirectement liés à ces affections.

Cela représente environ 500 € par mois pour un patient dialysé.

Les Grecs doivent donc choisir entre manger et se soigner. 30 % de la population est sans couverture sociale. Les familles ne vaccinent plus les enfants. Accoucher sans prise en charge coûte près de 700 €. Plus que jamais, les soins médicaux sont conditionnés à des dessous-de-table.

L’aide médicale humanitaire voit affluer de plus en plus de personnes dans ses dispensaires, alors qu’ils s’occupaient essentiellement des étrangers sans papiers avant la crise.

 

TOUT CELA, POUR QUELS RÉSULTATS ?

Après 9 plans d’austérité successifs votés par les sociaux-démocrates (parti socialiste) et les libéraux (droite), où en est la Grèce ? Le remède a-t-il guéri le malade ?

- le PIB s'est effondré de 21 % entre 2008 et 2012 ;

- la récession a été de 6 % en 2012 ;

- la dette a explosé (124 % du PIB début 2010, 174 % en 2014) ;

un tiers de la richesse du pays a été détruit en 6 ans ;

- le chômage touche (officiellement) 29 % de la population et 67 % des jeunes.

 

Les nombreuses obligations (« mémorandums ») à respecter pour bénéficier des plans de sauvetage successifs (prêts financiers à l'État grec) ont été présentées par la « Troïka »* comme un ensemble de mesures visant à « rééquilibrer les comptes publics », « accroître la compétitivité de l’économie grecque », « fluidifier le marché du travail », « introduire une efficacité des instances administratives et gouvernementales, afin d’imposer une bonne gouvernance ». Autrement dit, une gestion similaire à celle d’une entreprise « lancée dans la compétition mondiale »…

Selon l'économiste Athanase Contargyris, la « Dette » n'a été qu'un prétexte pour transformer la Grèce en laboratoire du libéralisme : « Pour la Troïka*, il faut que les salaires soient bas. Le rêve du patronat est de disposer en Europe d'une main-d'œuvre au même prix qu'en Chine, et mieux formée ! ».

 

 

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La Troïka*, ce sont les trois organes internationaux suivants :

- le FMI (Fonds Monétaire International)

- la Commission Européenne

- la Banque Centrale Européenne

 

Pour en savoir plus :

  • un documentaire à regarder : La Grèce, crise et châtiment, film d'Angelo Abazoglou (Grèce/France, 2014), durée : 50 min – Diffusé sur France 5, mardi 22 avril 2014, 21 h 30 ;
  • un livre à lire : La Grande Régression. La Grèce et l’avenir de l’Europe, sous la direction de Noëlle Burgi, éd. Le Bord de l’eau, 2014, 266 p., 18 € ;
  • un dossier à consulter : « Le Laboratoire grec », Le Monde diplomatique, février 2013.

 

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